Temps d’écran des enfants: À la recherche de la recette parfaite

Le type d’accompagnement que l’enfant reçoit lorsqu’il est devant un écran peut être un aspect important des bienfaits d’un contenu.

Une nouvelle Chaire de recherche sur l’utilisation des médias numériques par les enfants voit le jour à l’Université de Sherbrooke. On tentera de mieux connaître les impacts positifs et négatifs de leur utilisation chez les jeunes d’âge préscolaire à fin primaire. Alors que le temps d’écran est sur les lèvres de bien des parents actuellement, il y a bien plus que cette dimension qui mérite l’attention des chercheurs, explique sa titulaire, Caroline Fitzpatrick.


«Oui le temps d’écran est à considérer et c’est un incontournable, mais on doit aussi prendre en considération les contenus et la qualité de ceux-ci. C’est de déterminer la fonctionnalité d’utilisation des écrans. Par exemple, est-ce que l’enfant utilise les écrans pour faire des visioconférences ou pour défiler des contenus passivement sur YouTube? Les contextes sont aussi importants à considérer ainsi que la motivation derrière ces usages, puisqu’ils font référence aux endroits et aux moments que l’enfant utilise les écrans», précise Caroline Fitzpatrick, titulaire de la chaire et professeure à la Faculté d’éducation. 

Le type d’accompagnement que l’enfant reçoit lorsqu’il est devant un écran peut ainsi être un aspect important des bienfaits d’un contenu. Par exemple, les bienfaits des émissions éducatives ressortent plus lorsque l’enfant est dans un contexte où il peut échanger et poser des questions à un adulte sur les contenus. Elle insiste sur l’importance de considérer ces dimensions lorsqu’elles sont problématiques.

«Notre objectif, c’est de prendre en considération les différentes dimensions d’utilisations ainsi que les caractéristiques individuelles de l’enfant et de sa famille pour mieux repérer les utilisations les plus nocives sur le plan physique, social et cognitif et pouvoir les distinguer de celles qui le sont moins et celles qui sont bénéfiques», indique Mme Fitzpatrick.

Le meilleur des mondes

Dans un monde idéal, la professeure espère établir une «hiérarchie de situation d’utilisation» afin de mieux illustrer les problématiques et de cerner les bienfaits des écrans. Elle souhaite également déterminer les «meilleurs régimes médiatiques pour les enfants» tout en tenant compte des forces et faiblesses individuelles de chacun.

«Je pense que c’est important pour les parents, les professionnels de la santé, et éventuellement pour les enfants eux-mêmes de pouvoir faire les meilleurs choix», ajoute la titulaire.

La titulaire aimerait pouvoir émettre des suggestions, des balises et des recommandations qui sont nuancées pour les parents pour qu’elles soient le moins nocives possible et davantage bénéfiques. «Il y a des moments où les familles ont besoin d’avoir recours aux écrans», insiste-t-elle.  

De la petite enfance à l’école

La Chaire permettra d'ailleurs une enquête longitudinale, c’est à dire qui examine un même bassin d’individus au cours de leur développement. Dans des travaux antérieurs sur le sujet, alors qu’elle était en poste à l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse, Mme Fitzpatrick avait trouvé toute une panoplie d’effets négatifs du temps d’écran sur le plan physique, moteur, social et du développement cognitif de l’enfant. 

«Je voulais démarrer une recherche sur les habitudes médiatiques des jeunes enfants et la pandémie est arrivée en même temps. C’est un peu par accident que c’est devenu une étude sur les habitudes médiatiques durant la pandémie. Nous avons réalisé une étude auprès de 300 familles deux années de suite, en deux temps de mesure, sur les enfants de 3 ans et demi et puis ceux de 4 ans et demi».

Caroline Fitzpatrick est titulaire de la nouvelle Chaire de recherche et professeure à la faculté d’éducation.

Durant ces années, elle et ses collègues ont mesuré les habitudes médiatiques des enfants et des parents en plus d’observer le développement global de l’enfant. Il y a quelques mois, la Chaire a reçu une subvention de l’Institut de recherche en santé du Canada pour faire un troisième suivi avec ces familles. En plus de réaliser des visites à domicile, la chercheuse pourra étudier le volet scolaire. 

«Nous allons contacter les enseignants de ces jeunes-là qui ont commencé l’école. Par ce volet, nous pourrons observer comment cette cohorte s’ajuste à la maternelle et à la première année». Mme Fitzpatrick travaille avec l’équipe de l’Institut de la statistique du Québec (ELDEQ), responsable de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec, qui a suivi des enfants de la naissance jusqu’à la mi-vingtaine. 

Dans cette enquête, il y avait des mesures sur le temps d’écrans qui ont été profitables à la Chaire de recherche. L’ELDEQ a démarré l’étude sur leur deuxième cohorte et en est à sa deuxième collecte de données. La professeure a pu «collaborer à l’inclusion des outils de mesure des habitudes médiatiques», ce qui leur permettra d’avoir des mesures beaucoup plus détaillées sur les contenus et les contextes d’utilisation des médias numériques chez les enfants et suivre ces dimensions dans une cohorte représentative populationnelle d’enfants québécois. La professeure souligne qu’elle est intéressée par les utilisations positives des écrans.

Pour atteindre son objectif, la chercheuse travaille en collaboration avec plusieurs spécialistes de l’Université de Sherbrooke provenant de différents domaines, soit l’éducation, l’activité physique, la médecine et la cyberintimidation. Elle compte également des collaborateurs de l’Université de Georgetown à Washington et de l’Université Dalhousie.

La professeure cherche d’ailleurs des étudiants de diverses disciplines de l’Université de Sherbrooke intéressés à se joindre à l’équipe.