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Universités francophones : la douche froide de l’Université Laurentienne

Des étudiants marchent vers l'entrée de l'édifice.

Entrée de l'édifice Parker du campus de l'Université Laurentienne à Sudbury, en Ontario.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Pepin

Les déboires financiers de l’Université Laurentienne, en Ontario, mettent en lumière la fragilité des petites universités francophones et bilingues en milieu minoritaire dont les revenus ont été plombés par la pandémie.

Plusieurs recteurs lancent un appel à l’aide alors que leurs institutions font face à des déficits historiques.

Il y a effectivement plus que l'Université Laurentienne qui peut être à risque et particulièrement les universités de petite taille et de taille moyenne puisque toutes ont, en grande majorité, engendré des déficits cette année et ça peut se poursuivre l’année prochaine, indique Denis Prud'homme, le recteur de l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Le 1er février, l’Université Laurentienne annonçait avoir l’intention de se placer à l'abri de ses créanciers, évoquant des déficits récurrents et une situation qui s’est dégradée avec une augmentation des coûts et une diminution des recettes due à la pandémie.

photo de Denis Prud'homme.

Denis Prud'homme est recteur de l'Université de Moncton.

Photo : Radio-Canada

C’est surprenant. C’est très inquiétant, particulièrement pour les communautés francophones en milieux minoritaires, considérant le rôle que jouent nos institutions, ajoute M. Prud’homme.

Même s'il tient à rassurer la population universitaire sur la survie de l’Université de Moncton – la plus importante institution universitaire francophone hors Québec – il admet que les prochaines années seront difficiles.

On sait que le manque d’étudiants, particulièrement internationaux, va se répercuter sur les quatre prochaines années, donc ça a un effet cumulatif important au niveau des universités, dit-il.

Il y a 200 étudiants étrangers de moins qui se sont inscrits à l’Université de Moncton, près du quart de la cohorte totale. La perte de revenus est significative, étant donné que les droits de scolarité des étudiants étrangers sont deux fois plus élevés que ceux des étudiants canadiens.

Vue aérienne du campus avec vue sur la baie Sainte-Marie

Campus de l'Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse.

Photo : Université Sainte-Anne

La baisse des nouvelles inscriptions des étudiants étrangers se fait ressentir un peu partout en milieu francophone minoritaire. À l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, on observe une baisse de 10 % en raison des restrictions de voyage.

Le défi, c’est que beaucoup de nos étudiants fonctionnent virtuellement, ce qui veut dire moins d’étudiants sur le campus, dans nos résidences, dans les cafétérias et pour nous, surtout, les écoles d’immersion du printemps et de l’été qui ont été annulées, indique Allister Surette, recteur de l’Université Sainte-Anne.

Des déficits historiques

Les deux seuls établissements universitaires francophones en Atlantique ont écrit un budget à l’encre rouge pour la première fois de leur histoire.

Le déficit anticipé s’élève à un 1,5 million de dollars à l’Université Sainte-Anne pour l’année en cours. À l'Université de Moncton, les déficits cumulatifs dépassent aujourd'hui les 7 millions de dollars, ce qui représente près de 7 % du budget global.

C’était la première fois que l’Université présentait un budget déficitaire de son histoire

Une citation de Denis Prud'homme, recteur de l’Université de Moncton

Des déficits qui s’ajoutent à un problème récurrent de sous-financement public.

Vue extérieure du bâtiment principal avec sa coupole.

L'Université de Saint-Boniface, à Winnipeg.

Photo : Radio-Canada / Stephen Jaison Empson

Au Manitoba, le gouvernement s’obstine à réduire le financement de la seule institution francophone de la province, l’Université Saint-Boniface.

Étant donné notre réalité de francophones minoritaires dans la francophonie minoritaire, nous sommes beaucoup plus fragiles comme établissements. Alors oui, nous avons besoin d'être soutenus, indique Sophie Bouffard, rectrice de l’Université Saint-Boniface à Winnipeg.

Sophie Bouffard occupe le poste de rectrice de l'Université de Saint-Boniface depuis 2019.

Sophie Bouffard occupe le poste de rectrice de l'Université de Saint-Boniface depuis 2019.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Projean

Selon Mme Bouffard, la pandémie a coûté jusqu’ici 2 millions de dollars à l’établissement, sur un budget d’exploitation de 30 millions. L'Université Saint-Boniface n'est pas autorisé à faire de déficits, il a donc fallu trouver de la place dans le budget.

Des investissements n’ont pas été faits, on a repoussé plusieurs dépenses [...] Est-ce que c'est tenable sur du long terme? Non, mais on a tout fait pour ne pas affecter l'offre de programmes et de services, indique Mme Bouffard.

Sophie Bouffard indique cependant que l'établissement est dans une meilleure situation financière qu'à l'Université Laurentienne. Saint-Boniface n'a pas de dette et n'a pas non plus d'hypothèque. Alors on est quand même dans une situation, si je compare, beaucoup plus enviable.

Vague de compressions à l’horizon

À l'Université de Moncton, le déficit a été exceptionnellement autorisé à condition d'un retour à l’équilibre budgétaire d’ici trois ans.

Il va y avoir une décroissance. Pas seulement au niveau du corps professoral, on doit aussi diminuer le nombre de cours total qu’on offre, indique Denis Prud’homme.

Un homme passe en courant devant l'enseigne du campus de Moncton.

Le campus de Moncton de l'Université de Moncton.

Photo : Radio-Canada / Guy LeBlanc

Le recteur de l’Université de Moncton entrevoit différentes mesures : révision des programmes, compressions par attrition des postes d'enseignants, et hausse des droits de scolarité, de 8 % par année, au moins jusqu’en 2022-23.

Si les dépenses augmentent plus vite que les revenus, ça veut dire qu’on a besoin de prendre des décisions difficiles, mais c’est juste trop tôt pour le dire, indique de son côté Allister Surette, de l’Université Sainte-Anne.

L’appel à l’aide

Des recteurs lancent aujourd’hui un appel à l’aide. Ils dénoncent l’absence d’aide fédérale durant la pandémie et demandent un soutien stable pour assurer la pérennité de leurs institutions.

L’ensemble des institutions postsecondaires en milieux minoritaires, pas seulement Moncton, ont besoin d’aide financière [non] pas ponctuelle, mais soutenue au cours des prochaines années, en raison, entre autres, de la pandémie, indique le recteur Prud’homme.

Contrairement à la Nouvelle-Écosse – qui a accordé un soutien 25 millions de dollars en janvier 2021 – le Nouveau-Brunswick n’est pas venu en aide aux universités depuis le début de la pandémie.

Drapeau du Nouveau-Brunswick devant l'édifice.

L'édifice de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, à Fredericton.

Photo : Radio-Canada / Guy Leblanc

Une situation également dénoncée par le corps professoral de l'Université de Moncton.

L’abandon est double. Mais l’abandon était déjà là avant pandémie. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick abandonne ses universités et particulièrement l’Université de Moncton. On l’a vu lorsqu’ils ont cessé de subventionner le programme de sciences infirmières, indique Mathieu Lang, président de l’Association des bibliothécaires et des professeur(e)s de l’Université de Moncton (ABPPUM).

Inquiétude chez les professeurs

L’Association des bibliothécaires et des professeur(e)s de l’Université de Moncton s’inquiète des compressions budgétaires.

Durant la crise, durant la tempête, ce ne sera pas gai sur le bateau.

Une citation de Mathieu Lang, président de l’ABPPUM
Mathieu Lang.

Mathieu Lang, président de l’Association des bibliothécaires et des professeur(e)s de l’Université de Moncton.

Photo : Radio-Canada / Guy LeBlanc

L'ABPPUM redoute aussi que, face à une diminution de l’offre des programmes, des étudiants francophones en milieu minoritaire décident de se tourner vers le secteur anglophone, ou qu'ils quittent la province.

La priorité, c’est de se former dans tous les domaines, parce qu'il n'y a pas d’autres options. On ne peut pas décider quel groupe de jeunes on va abandonner : les arts, les sciences... On ne peut pas faire ce choix pour notre population, il faut trouver des solutions, indique M. Lang.

Si on veut couper les programmes, les conséquences vont être très, très graves

Une citation de Yalla Sangare, professeur à l’Université Sainte-Anne

L’avis est partagé par Yalla Sangare, trésorier de l’Association canadienne des professeures et professeurs d'université, et professeur à l'Université Sainte-Anne.

Portrait de Yalla Sangaré.

Yalla Sangaré est directeur du Département des sciences administratives à l'Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse.

Photo : ACPPU

Quand vous coupez un programme à Toronto, à Vancouver, à Montréal, il n'y a pas de problème parce qu’il y a plusieurs universités. Mais quand vous coupez un programme à Saint-Boniface, au campus Saint-Jean, vous êtes en train de dire que les francophones ne peuvent pas avoir une éducation dans leur langue, affirme M. Sangare

La décision de l’Université Laurentienne pourrait agir comme un électrochoc sur une situation qui perdure depuis trop longtemps, fait valoir Yalla Sangare.

Ça peut avoir l’effet d’une douche froide pour une raison assez simple. Certaines choses qu’on voit à l’Université Laurentienne existent aussi ailleurs. Par exemple, il y a un déclin démographique dans beaucoup de régions desservies par les universités francophones à l’extérieur du Québec. En Atlantique, c’est absolument le cas.

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