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Les écrans, un problème de santé publique

Des chercheurs sonnent l’alarme, le gouvernement promet un plan d’action d’ici la fin de 2020



L’exposition de nos jeunes aux écrans de toutes sortes aura des effets sur plusieurs aspects de leur santé psychologique et physique, préviennent des experts qui appellent à se pencher sur ce qui est devenu un problème de santé publique, de l’aveu même du ministre Lionel Carmant.  

Effets de l’exposition des jeunes enfants aux écrans, médias sociaux chez les adolescents, dépendance aux jeux vidéo, impacts physiques des technologies, l’éventail de sujets couverts par les experts réunis, lundi, dans le cadre du Forum sur l’utilisation des écrans et la santé des jeunes démontrent l’ampleur de la tâche qui attend le gouvernement.    

Ministre délégué à la transition numérique, Éric Caire est lui-même bien placé pour comprendre tous ces risques, son fils ayant vécu une dépendance aux jeux vidéo.    

«Je n’ai rien vu aller», a confié le ministre avec ouverture. «La vérité, c’est que les parents ne sont pas outillés. On ne connaît pas cet univers-là», a-t-il ajouté, prouvant le besoin de se pencher sur ces questions.  

André Fortin (libéral), Lionel Carmant (CAQ), Sol Zanetti (QS) et Joel Arseneau (PQ) ont fait front commun pour l'urgence d'agir dans le dossier de la surexposition des jeunes aux écrans. Photo Pierre-Paul Biron

Son collège Lionel Carmant, admettant l’ampleur de l’enjeu, a promis des solutions rapides qui viendront avec un plan d’action, prévu d’ici la fin de 2020.     

«[...] À notre niveau, ça va être un moment où il faut faire des actions claires qui vont modifier l’utilisation de ces écrans dans nos milieux de vie et surtout au niveau de l’école.»    

Trop d’heures  

À la tête d’une étude sur le lien entre les écrans et le bien-être des jeunes, Patricia Conrod a été claire, le temps passé devant les écrans par nos jeunes est trop important.    

«Les adolescents passent en moyenne 7 à 8 heures par jour devant un écran. C’est beaucoup plus significatif que prévu depuis que les écoles ont instauré des écrans dans le système d’éducation», a souligné la chercheure en psychiatrie au CHU Ste-Justine, qui dresse un parallèle entre la méconnaissance des risques du tabac dans les années 1970 et celle entourant les écrans aujourd’hui.    

Alors la tablette à l’école, c’est bon ou pas?  

Alors qu’on la valorise ici, des parents travaillant dans les grandes entreprises technologiques de la Silicon Valley envoient de plus en plus leurs enfants dans des écoles où la techno est absente, raconte Caroline Fitzpatrick.    

Caroline Fitzpatrick, chercheure ayant présenté les résultats de ses travaux sur les effets des écrans chez les jeunes dans le cadre du forum sur le sujet le 10 février 2020 Photo Pierre-Paul Biron

«Papier, crayon, tableau noir seulement. Peut-être qu’ils savent quelque chose que l’on ne sait pas», lance la professeur de l’Université Sainte-Anne.    

Les études sont insuffisantes et mal ciblées, ajoute Tania Tremblay, professeure au département de psychologie du Collège Montmorency.    

Tania Tremblay, chercheure ayant présenté les résultats de ses travaux sur les effets des écrans chez les jeunes dans le cadre du forum sur le sujet le 10 février 2020 Photo Pierre-Paul Biron

«C’est beaucoup sur la motivation à court terme de l’étudiant, mais il n’y a rien sur l’influence à plus long terme. Pourtant, il y a beaucoup de plaintes des parents qui nous disent que la dynamique familiale devient plus complexe, que c’est une charge de plus à gérer.»    

La balle dans le camp de l’Éducation  

Le député libéral André Fortin, public attentif aux conclusions des chercheurs, a lui-même raconté se sentir dépourvu face à cet aspect. Il faudra, selon lui, améliorer les canaux de communication. Il appelle d’ailleurs le ministre de l’Éducation à être présent à la prochaine rencontre.    

«Quand on nous présente des recommandations qui disent qu’un enfant de sept ans ne devrait pas faire plus de deux heures de temps d’écran par jour, mais qu’on ne sait pas ce qui se passe à l’école, on est un peu démuni», a-t-il souligné.    

La directrice du Centre Cyber-Aide a, elle aussi, invité le ministre Roberge à s’intéresser à la question.     

«Ça aurait été bien que le ministre de l’Éducation soit ici parce que ça touche les écoles, les collèges, les universités. Il faut arrêter de travailler en silo, parce que ça touche la vie de tout le monde», insiste Cathy Tétreault qui travaille en prévention de la cyberdépendance.    

Effets rapides  

Autre aspect qui a fait réagir, la vitesse avec laquelle les écrans peuvent impacter négativement les jeunes. À plus de deux heures par jour, la chercheure Tania Tremblay a pu constater des conséquences chez des enfants d’âge préscolaire.    

«Les résultats sont très clairs. La compréhension verbale était beaucoup plus faible et c’était la même chose pour les difficultés pragmatiques de compréhension», explique l’experte qui s’intéresse aux impacts langagiers de l’exposition aux écrans.    

Les effets physiques sont également rapides chez les enfants en bas âge. À tel point que le chercheur en optométrie Langis Michaud, qui voit dans sa pratique des adolescents avec des problèmes de vision «de personnes âgées», appelle les parents à rester fermes.    

«De zéro à deux ans, ça doit n’être aucun temps d’écran. Rien. Non, c’est non», a-t-il insisté, précisant qu’entre 2 et 5 ans, le maximum était d’une heure par jour et de deux heures par la suite.    

«On doit retarder l’introduction du temps d’écran. Il faut être beaucoup plus strict avec le 0-5 ans qu’on l’est actuellement. On doit améliorer les campagnes de sensibilisation et toucher plus de personnes», a promis le ministre Carmant à ce sujet.    

Médias sociaux  

Quant aux médias sociaux, présents sur toutes les formes d’écran et envoyant continuellement des notifications à 82% des adolescents qui possèdent un cellulaire, ils contribuent largement aux problèmes cités plus haut.    

Patricia Conrod qualifie même leur usage de «nocif» chez les ados. La hausse de l’utilisation des médias sociaux a mené à une hausse des symptômes de dépression, d’anxiété et de consommation d’alcool dans l’échantillon de 4000 jeunes analysé par son équipe.     

«Ça vient biaiser les normes sociales et ça influence les jeunes à croire que c’est normal, par exemple, de consommer de l’alcool. On pourrait, au Québec, être les premiers au monde à demander au GAFAM d’utiliser leur connaissance de l’intelligence artificielle pour repérer les pages avec du contenu dangereux pour les jeunes», a proposé l’experte.    

Prise deux le 20 mars  

Un deuxième forum, comme celui d’hier, est prévu le 20 mars, invitant cette fois-ci «des acteurs du terrain» dans le but de réfléchir aux solutions concrètes. Certains d’entre eux se sont dits soulagés, lundi, de voir que le gouvernement s’intéressait enfin à la large problématique des écrans chez les jeunes.     

«Ça fait quand même 9 ans qu’on dit ce message-là au Centre Cyber-aide et c’est la première fois que c’est entendu», confie Cathy Tétreault.    

«Je dis enfin parce que le monde politique se rend compte des effets qu’on décrit depuis longtemps tout seul dans notre coin. De voir que le ministre Carmant prend ça à bras le corps et que l’opposition est là aussi est très positif. Parce qu’il ne faut pas que ce soit un dossier partisan, ça doit être un projet collectif de société qui se réveille», indique Joël Monzée, docteur en neurosciences et directeur fondateur de l'Institut du développement de l'enfant et de la famille.    

Ce qu’ils ont dit        

  • «Quand un enfant se lève la nuit pour aller consommer son jeu et que vous ne vous rendez pas compte, que voulez-vous qu’on fasse? Le lendemain, on constate qu’il est fatigué, mais pourquoi? On imaginerait jamais qu’en cachette, il se lève la nuit pour consommer son jeu» – Éric Caire, qui s’est confié sur la cyberdépendance de son fils.    
  • «J’ai préparé des formations pour des CPE parce que les éducateurs avaient des inquiétudes. On est en CPE là. C’est troublant. J’en suis même à faire un outil pour les cours prénataux. Ça montre la gravité du problème.» – Cathy Tétreault, fondatrice du Centre Cyber-Aide    
  • «La suite, c’est sensibilisation, sensibilisation et encore sensibilisation. Comme on l’a fait avec le pot, l’alcool, la vitesse au volant et les autres problèmes de société. Il va falloir que le gouvernement présente les conséquences aux gens et les sensibilise sur les impacts» – Joël Monzée, docteur en neurosciences et directeur fondateur de l'Institut du développement de l'enfant et de la famille.    
  • «Initialement, il y avait des bénéfices aux écrans au niveau éducatif. Maintenant, il faut trouver l’équilibre entre ce qui est favorable pour l’apprentissage de nos jeunes et ce qui peut être dangereux pour leur santé physique, mentale et psychosociale» – Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé.    
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